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élues et élus EELV Bretagne

Prises de position

Non à l’implantation de Bridor à Liffré

Contribution

22 mars 2022. L’usine Bridor, un projet daté, en contradiction absolue avec les enjeux climatiques, environnementaux et sociaux

La communauté de communes de Liffré-Cormier prévoit l’implantation par la société Bridor (groupe Le Duff) d’une usine de production de viennoiseries industrielles destinées à l’exportation. Ce projet interroge à plusieurs titres : artificialisation de terres naturelles et agricoles, modèle économique doublement dépendant des importations et des exportations, précarité des emplois promis, impacts sur la ressource en eau, la qualité de l’air et la biodiversité. Pour les élu.e.s écologistes, le présent projet soumis à enquête publique ne répond pas aux enjeux d’un développement durable de notre territoire. Il témoigne d’une vision passéiste de l’aménagement alors que les défis qui s’annoncent sur le climat, l’environnement et la relocalisation de nos économies impliquent une transformation profonde de nos modes de production et de consommation.

Artificialisation de terres naturelles et agricoles.

Le récent rapport du GIEC est sans appel. Compte tenu des menaces que le dérèglement climatique fait peser sur les écosystèmes, il est plus qu’urgent de mettre en place des mesures visant à les protéger. En effet, le maintien de la biodiversité à l’échelle mondiale dépend de la conservation efficace et équitable d’environ 30 à 50 % des terres, eaux douces et océans.

La préservation du foncier agricole est également un enjeu très fort pour l’autonomie alimentaire de nos territoires. Alors que de nombreux porteurs de projets agricoles durables sont en recherche de foncier, préserver les terres agricoles est une condition nécessaire pour maintenir une agriculture nourricière, locale et de qualité. La loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 fixe l’objectif d’atteindre en 2050 […] l’absence de toute artificialisation nette des sols […] », dit « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN), le texte a également établi un premier objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les dix prochaines années (2021 – 2031).

La Bretagne compte parmi les régions championnes de l’artificialisation des sols : entre 1985 et 2005, la surface artificialisée a presque doublé et la dynamique s’est poursuivie. En 2018, la Bretagne était la troisième région française avec le plus fort taux d’artificialisation. Dans le document de planification du SRADDET breton, l’objectif est plus ambitieux qu’au niveau national puisqu’il vise zéro consommation nette des terres agricoles et naturelles d’ici 2040. Il comporte également des objectifs intermédiaires de réduction de la consommation foncière de 50 % d’ici 2030 par rapport au niveau d’artificialisation des dix dernières années, et de 75 % d’ici à 2035.

Le portail de l’artificialisation des sols présente les données de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Ce suivi chiffré de la consommation d’espaces vise à aider les territoires à répondre à l’objectif de la loi Climat et résilience pour atteindre le zéro artificialisation nette, prévu par son article 194 : « pour la première tranche de dix années, le rythme d’artificialisation est traduit par un objectif de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation réelle de ces espaces observée au cours des dix années précédentes ».

Dans le cas de la commune de Liffré, les données 2009-2020 nous apprennent que le flux de consommation d’espaces s’élevait à 775 120 m² dont 233 206 m² de surfaces consommées pour le développement d’activités (et 536 564 m² pour le développement de l’habitat).

Ainsi, le projet Bridor, estimé à 21 hectares consommerait en une seule fois, la surface consommée entre 2009 et 2020, en contradiction totale avec l’objectif de réduction de la consommation réelle des espaces observée au cours des dix années précédentes. Comment le justifier ?

Notons également que la zone prévue pour l’installation du projet comprend des zones humides et est sujette à inondations, que pourrait aggraver l’imperméabilisation des sols.

Un modèle de production hors-sol, dépendant de l’économie mondialisée, basé sur la quantité et générant des emplois précaires

Ce projet industriel est également contraire au principe de souveraineté qui vise à ce que chaque territoire puisse produire localement ce qui peut l’être. Certes, certains produits qui ne peuvent être produits en Bretagne peuvent être importés, mais il convient d’en limiter les volumes. Ici, le modèle de production est basé sur des matières premières qui ne sont pas produites localement, et dont certaines sont importées. Il contribue à augmenter notre dépendance aux cours des marchés mondiaux, comme nous pouvons l’observer actuellement. Des matières premières importées pour la fabrication de produits finaux non qualitatifs qui seront destinés à l’exportation, notamment vers le Benelux. Les flux de matières premières et de produits finis induiront de nombreux transports, et des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires.

Ce projet va ainsi à l’encontre tant du vaste plan de soutien au commerce de proximité et à l’artisanat mis en place par le gouvernement, qu’au PCAET de Liffré-Cormier Communauté qui prévoit de favoriser les circuits-courts et l’offre locale et co-construire un projet alimentaire durable (Nous engager en faveur d’une alimentation de qualité, produite localement, avec un prix juste pour les producteurs comme les consommateurs préserver notre agriculture, tant en matière de foncier, d’installation, d’environnement que de rémunération / Soutenir les initiatives en faveur de la transition énergétique et écologique de notre agriculture)

Est-il logique de défendre ici les circuits courts et en même temps porter atteinte à ceux qui existent ailleurs ? Rappelons également que ces produits alimentaires sont relativement pondéreux pour une très faible valeur ajoutée.

Les promoteurs du projet Bridor ont d’abord annoncé la création de 500 emplois puis sont revenus sur leurs chiffres. Socialement, la production industrialisée induit la robotisation, des emplois précaires et une perte de sens, nuisible à la valeur travail. L’utilité sociale est amoindrie. Les emplois proposés sont souvent peu qualifiés et peu rémunérateurs. Serait-il possible d’avoir des informations détaillées sur le type d’emplois créés et le niveau de salaire proposé ? Par ailleurs, face aux difficultés pour se loger localement à Liffré-Cormier Communauté, la création et la concentration d’emplois dans un territoire, mal desservi par les transports en commun, induit des nombreux déplacements individuels contraints.

Éthiquement, on ne peut pas dénoncer la mainmise de l’industrie chinoise sur la production de produits manufacturés et déployer les mêmes politiques pour les produits alimentaires sur notre territoire. On entre alors dans une logique de guerre commerciale, une guerre économique qui met en concurrence les peuples du monde entier pour des bénéfices engrangés par une minorité.

Des impacts sur la ressource en eau, la qualité de l’air et la biodiversité

Il faut rappeler que la ressource en eau est un enjeu très fort et tout particulièrement en Bretagne, tant du point de vue de la qualité – à peine 3 % des masses d’eaux en Ille et Vilaine sont en « bon état », bien loin de l’objectif européen de 100 % d’ici 2027 – que de la quantité, menacée par le dérèglement climatique. Le réseau hydrographique breton est fortement dépendant des eaux de surfaces, en raison de l’imperméabilité des sols et donc des précipitations annuelles, susceptibles de varier en fonction des dérèglements climatiques. Dans un contexte marqué par les appels récurrents à la sobriété et aux économies d’eau à l’échelle individuelle des ménages, la consommation annuelle de 200 000 m3 par an prévue pour les viennoiseries exportées de l’usine Bridor pose question.

Les importations de matières premières et les exportations des produits finis vont générer un important trafic routier, avec des chiffres qui prévoient jusqu’à 7 camions à l’heure, 18 heures par jour. Au-delà des nuisances sonores pour les riveraines et riverains, la qualité de l’air en sera impactée. C’est pourquoi, dans le cas où ce projet venait à se concrétiser, nous demandons à ce qu’Air Breizh organise une campagne de mesures de la qualité de l’air avant et après la construction et la mise en fonctionnement de l’usine.

Sur les enjeux de biodiversité, plusieurs associations environnementales pointent les insuffisances méthodologiques quant aux inventaires de biodiversité réalisés sur la zone du projet.

À partir d’observations de terrain, la LPO a par exemple noté la présence de 8 espèces d’oiseaux protégés qui n’avaient pas été identifiés dans le dossier. Bretagne Vivante-SEPNB a observé des manquements sérieux sur la méthodologie d’identification des chiroptères, qui ne s’est pas appuyée sur les études existantes en Bretagne et qui n’a pas utilisé les matériels et logiciels d’analyse standardisés pour ce type d’étude, ce qui conduit à un état des lieux incomplet et minoré. Comment alors donner crédit aux mesures de compensation envisagées si elles ne s’appuient pas sur un état des lieux fiable en matière de biodiversité ?

Toujours sur les enjeux de biodiversité, 2 hectares de bois qui auraient dû être artificialisés dans le projet initial vont finalement être préservés. Toutefois, nous nous interrogeons : pourquoi la Communauté de Communes de Liffré-Cormier ne conserve-t-elle pas la propriété de ce bois, afin de le préserver des possibles agrandissements futurs de l’usine ?

Pour toutes ces raisons, nous, élu.e.s écologistes de Bretagne, souhaitons porter un avis négatif sur la mise en œuvre de ce projet sur la commune de Liffré. Il reste tant à faire pour soutenir et accompagner le développement de projets alimentaires locaux différents, fondés sur la qualité, et générant une plus-value sociale et environnementale positive pour le territoire. Le développement de projets doit être en cohérence avec les recommandations des scientifiques du climat et de la biodiversité, les législations européennes, françaises, et les documents de cadrage régionaux et locaux, ainsi que des attentes des bretonnes et des bretons.

Signataires

Pour le groupe Les Écologistes de Bretagne élu.e.s à la Région  :

  • Claire Desmares, Présidente de groupe, Conseillère régionaleu
  • Loïc Le Hir, Conseiller régional
  • Christine Prigent, Conseillère régionale
  • Goulven Oillic, Conseiller régional
  • Julie Dupuy, conseillère régionale
  • Ronan Pichon, Conseiller régional

Pour le groupe écologiste, fédéraliste et citoyen du Département d’Ille et Vilaine :

  • Marion le Frène, Co-présidente du groupe, Conseillère départementale déléguée à l’éducation populaire et à l’éducation à l’environnement
  • Olwen Denes, Co-président du groupe, Conseiller départemental délégué à la politique de la ville
  • Nicolas Perrin, 2ème Vice-Président délégué aux contrats départementaux de solidarité territoriale
  • Caroline Roger-Moigneu, 6ème Vice-présidente déléguée à l’insertion, la lutte contre la pauvreté, les gens du voyage
  • Yann Soulabaille, 11ème Vice-président délégué à la biodiversité, les espaces naturels sensibles et l’eau
  • Denez Marchand, 13ème Vice-président délégué à la culture et à la promotion des langues de Bretagne
  • Régine Komokoli-Nakoafio, Conseillère départementale déléguée à la protection maternelle et infantile, à la petite enfance et à la parentalité
  • Jean-Paul Guidoni, Conseiller départemental délégué à la commande publique responsable
  • Sylvie Quilan, Conseillère départementale déléguée à la prévention du vieillissement et à la santé mentale

Daniel Salmon, Sénateur d’Ille-et-Vilaine

Contribution Bridor – 647 Ko

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